Crise majeure de ce 21e siècle, la pandémie de la Covid-19 a impacté profondément les notions d’espace public, de responsabilité et de prévention. Des changements concrets ont ainsi pu être observés, aussi bien dans la sphère publique que dans la sphère privée et auprès des citoyens-consommateurs. Retour et analyse des plus importantes de ces mutations.

La prévention par les institutions et l’extension de l’espace public

Le terme « pandémie » souligne le caractère massif et mondial de la crise sanitaire que nous avons vécu. Historiquement lors des grandes épidémies, les comportements préventifs des acteurs publics ont souvent été les mêmes : mise en quarantaine, renforcement de la surveillance des populations, fermeture des frontières, recherche de boucs émissaires et tendance à privilégier les thèses optimistes. Quels ont été les changements avec la Covid-19 ?

Des mesures de prévention mondialisées

Suite aux recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les pays du monde entier ont largement adopté ces mesures préventives. La plupart a mis en place un confinement généralisé de la population ainsi qu’une communication massive autour des gestes barrières. Ainsi, dans les pays occidentaux, les mêmes messages, reprenant des champs lexicaux identiques, ont été diffusés à la population : « Restez chez vous », « Lavez-vous les mains ».

La question de la naissance d’une universalité de la prévention s’est alors posée. Mais, même si l’on peut parler d’une universalité des mesures d’éloignement social, il serait excessif de parler d’un régime mondial de prévention. Car cette prévention ne s’est pas exercée de la même manière en Europe ou en Chine par exemple.

Le modèle européen a ainsi valorisé des dispositifs spontanés de soutien et de solidarité citoyennes, symbole d’une résilience collective. Si le traçage des malades a été tenté, il a rencontré l’opposition d’une partie de la population et n’a pas eu le succès escompté. A l’inverse, en Chine, la protection des populations contre le virus s’est basée sur des contrôles systématiques, un traçage imposé et strict des malades et parfois des violences policières, créant ainsi une politique de privation des libertés et rendant la prévention synonyme d’autoritarisme. D’autres pays comme la Corée du Sud ou Israël ont opté de leur côté pour des mesures de contrôle et de prévention high-tech (applications mobiles, caméras thermiques ou drone de surveillance), transformant alors la prévention en objet de guerre, au même titre que le terrorisme.

Cette crise a ainsi mis en lumière les particularismes culturels et sociaux essentiels à la sensibilisation d’une population à l’échelle mondiale. Mais partout dans le monde, les méthodes de prévention mises en place ont rencontré des oppositions. En effet, ces politiques préventives étaient avant tout en recherche de résultats statistiques (moins de morts et moins d’hospitalisation) et non de résultats éthiques.

La santé sous surveillance

De nombreux pays ont mis en place des moyens pour surveiller l’évolution de la Covid. En France durant le premier confinement, les chiffres de la pandémie étaient ainsi annoncés par le ministre de la Santé à la télévision quotidiennement.

Néanmoins, les systèmes nationaux et internationaux de surveillance et de riposte ne se sont pas montrés suffisamment efficaces face à ce virus mondial. Aujourd’hui encore, la transmission de la Covid-19 n’est toujours pas stoppée. Même si une prévention universelle avait été effective, l’absence de couverture sociale et sanitaire universelle aurait laissé des milliards de personnes sans accès à un traitement médical. Cela a été perçu dans les pays pauvres, mais aussi dans les pays riches du fait d’écarts sociaux massifs.

Ainsi, le Directeur général de l’OMS, dans son manifeste post-Covid, rappelle que les politiques de prévention au niveau de la santé doivent également être accompagnées d’actions concrètes pour un monde en meilleure santé et plus soucieux de l’environnement. Il invite ainsi les pays à s’engager à :

  • protéger et préserver la nature, source de la santé humaine qui apporte aux populations de l’air pur, de l’eau et de la nourriture ;
  • investir dans les services essentiels, depuis l’accès à l’eau et à l’assainissement jusqu’aux énergies non polluantes dans les établissements de soins ;
  • assurer une transition énergétique rapide afin de faire baisser la pollution et ainsi de protéger la santé des êtres humains ;
  • promouvoir des systèmes alimentaires sains et durables pour limiter les comorbidités ;
  • construire des villes saines et vivables ;
  • cesser d’utiliser l’argent du contribuable pour financer la pollution.

L’impact de la Covid-19 sur la communication du secteur public

Pour diffuser les consignes sanitaires et assurer la continuité du service public, les outils numériques ont été indispensables pour porter les messages. Les résultats de l’enquête Cap’Com* révèlent l’impact de la crise sanitaire sur la communication numérique du secteur public.

  • La nécessité de mettre en place une stratégie dédiée

Confinement oblige, l’accueil dans les services publics n’a pu être maintenu. Pour assurer une continuité de service aux Français, les institutions se sont tournées vers les supports numériques, qui sont vite apparus comme des outils indispensables de cette période. Ils ont en effet permis de communiquer rapidement et de toucher les publics cibles efficacement. Les collectivités et institutions sont également devenues les porte-voix des annonces gouvernementales, déclinant à leur manière les informations utiles sur l’application des mesures sanitaires. Ici encore, c’est le numérique qui a été largement sollicité pour diffuser ces consignes sanitaires. C’est ainsi que 80 % des communicants publics interrogés par Cap’Com* ont déclaré avoir adapté leur ligne éditoriale digitale et avoir fortement augmenté leurs publications sur les outils numériques lors des confinements.

  • Une augmentation du trafic

Ce développement digital a permis aux institutions de booster fortement leur audience. Les ¾ des communicants interrogés par l’étude* disent avoir vu le nombre de visiteurs et de pages vues sur leur site internet augmenter. Les réseaux sociaux aussi ont bénéficié d’une hausse des consultations sur la période : 90 % des sondés* ont noté une augmentation significative du nombre d’abonnés de leur page Facebook et une majorité sur leur compte Instagram ou Twitter.

  • Une communication qui perdure aujourd’hui

Site internet, Social Media, contenu, évènements numériques, live-streaming… Tous les supports digitaux mis en place ou développés par les communicants durant la crise sanitaire perdurent aujourd’hui. Ils ont permis d’étendre la proximité entre le public et les institutions malgré la distance physique, mais aussi de faciliter les échanges et donc une meilleure collaboration.

Citoyens-consommateurs et communication de prévention : des changements de comportements notables

Un comportement social modifié

Les mesures imposées pour protéger le public de la propagation du virus ont remis en cause les fondements des relations ordinaires. Le rapport entre individu et collectif a été profondément bouleversé. Les rituels interactionnels habituels ayant disparu, les individus ont modifié leur façon de communiquer, impactant ainsi le tissu de la société.

Une consommation médiatique modifiée

Pendant la période de confinement, le temps passé par les Français devant les écrans a explosé, devenant 3 à 4 fois plus important qu’auparavant. Une étude Kantar révèle ainsi que les 15-24 ans ont augmenté de plus de 69 % le temps passé devant la télévision sur cette période. Un chiffre conséquent qui explique pourquoi les pouvoirs publics ont profité du digital et de la télévision pour communiquer massivement sur les mesures de prévention auprès du grand public. Le Gouvernement s’en est notamment servi pour la promotion de l’application TousAntiCovid, anciennement StopCovid, dont l’achat d’espace télé et web se situe aux alentours de 2,793 millions d’euros pour les mois de mai à septembre 2020. Sur cette période, la tonalité des spots de sensibilisation du gouvernement reste purement informative : ils visent avant tout à rappeler à la population les gestes barrières, à l’inciter à rester chez soi et à l’amener à télécharger l’application. Malgré cet investissement colossal, cette campagne de sensibilisation n’a pas été une franche réussite : sur ces 5 mois, l’application a atteint péniblement la barre des 2,5 millions de téléchargements.

En septembre 2020, alors que la France est déconfinée depuis quelques mois, la situation sanitaire se dégrade et le nombre d’hospitalisation augmente. Les pouvoirs publics lancent alors un nouveau spot avec une tonalité bien plus grave et touchant à l’émotion. On y voit des Français qui, dans leur quotidien, se font la bise, avant de se réunir autour de la grand-mère qui fête son anniversaire. Le spot se termine par cette dernière, inconsciente à l’hôpital, touchée par la Covid.

Le ton a changé, mais surtout, la méthode de communication se rapproche des stratégies de marques. On utilise les recettes créatives publicitaires qui ont fait leurs preuves : chanson d’antan, message poignant… Sauf, qu’il ne s’agit ici pas d’une publicité pour un supermarché ou une boisson sucrée, mais bien d’un message gouvernemental. C’est là que les choses se compliquent….

La perte de confiance envers les institutions

En reprenant les codes de la publicité traditionnelle, ces campagnes publicitaires n’ont pas toujours été perçues comme des campagnes préventives. Certains Français les ont vu comme une manipulation qui aurait pour but de contrôler les faits et gestes des populations et de les obliger à se vacciner pour remplir les caisses des laboratoires pharmaceutiques.

En effet, parallèlement à cette abondance de communication gouvernementale, les médias se sont fait le relais de toutes les théories, scientifiques ou non, autour de la Covid dont certaines mettaient en doute la parole publique. Le digital notamment, en permettant une diffusion de tout et par tous, a permis à la fois un déploiement ultra-facilité de l’information, mais a aussi fragilisé les institutions, en mettant en avant des points de vue remettant en cause le bien-fondé des décisions de prévention.

Si d’un point de vue purement démocratique, cette capacité à faire entendre sa voix est à priori une bonne chose, cette surinformation a malheureusement aussi permis la diffusion de fake-news et de théories complotistes, mettant à mal l’information réelle et les stratégies sanitaires. Parmi celles-ci :« Le masque ne sert à rien », « La Covid n’existe pas », « Ils vont mettre une puce GPS dans le vaccin », en plus des prises de parole controversées du professeur Raoult annonçant que la chloroquine serait le remède à la crise sanitaire.

Une partie des Français étant depuis bien longtemps en perte de confiance vis-à-vis des institutions, cela n’a fait qu’accentuer le problème et poser la question de la transparence des décisions publiques et du positionnement des communications gouvernementales dans le cadre des préventions.

Au bout du compte, la question que nous, communiquants, devons-nous poser est la suivante : l’État est-il une marque comme les autres ? La réponse devrait être non. Bien que les marques aient profondément remis en question leur modèle de communication…

L’engagement des acteurs privés et des marques dans la prévention

Dès le début de la crise sanitaire, certaines marques se sont davantage engagées, faisant pivoter le message de leurs publicités du marketing à la communication citoyenne. Mais concrètement, où en sont les entreprises sur la question de l’engagement ? Sont-elles vraiment passées à l’action ? De quels engagements parle-t-on ? Quel est le rôle des communicants dans cette mission ? Quel a été l’impact de cette année 2020 si particulière ?

Des marques engagées dans la diffusion des messages préventifs

Les commerces dits essentiels se sont très rapidement adaptés à la situation sanitaire et ont remplacé leur PLV traditionnelle par des informations concrètes concernant l’importance du lavage des mains, l’obligation du port du masque et la nécessité de la distanciation sociale.

Beaucoup de marques se sont également saisies de l’événement en adaptant leur communication pour devenir à leur tour des vecteurs de messages citoyens. Ainsi, Coca-Cola, McDonalds ou encore Audi ont rappelé l’importance de la distanciation sociale en espaçant les lettres de leur logo dans des affiches et des publications publicitaires. Free a incité les Français à respecter le confinement en adaptant sa baseline « Il a free, il a tout compris » en « Ils restent chez eux. Ils ont tout compris ».

Crédit : Mcdonald's Brésil
Crédit : The Coca Cola Company
Crédit : Audi

Dans le même esprit, afin d’inciter les gens à rester chez eux tout en restant en forme, Adidas a organisé des cours de cardio training en direct sur son compte Instagram et les a mis en avant dans la campagne #StayHomeStayFit.

De son côté, Burger King a partagé ses recettes de sandwich à faire chez soi dans une campagne d’affichage tandis qu’Ikea a déployé la campagne #StayHome pour rappeler le sentiment de sécurité que la maison procure et valoriser les bienfaits de rester chez soi.

Crédit : Burger King

Sur une autre thématique, mais toujours autour de sujets prévention clés, l’agence Entre Nous Soit Dit a réalisé une campagne pour Assurance Prévention, l’association de France Assureurs, afin de sensibiliser les Français aux risques accrus d’accidents domestiques liés à cette période de confinement. Un spot de sensibilisation et 5 chroniques d’information d’1 minute 30, « La minute Prévention », ont été diffusé en radio afin de transmettre conseils et messages de sensibilisation auprès de tous les publics. Plusieurs influenceurs ont également relayé ces messages en story Instagram, pour sensibiliser leurs abonnés aux bonnes attitudes à adopter en cette période particulière. Le dispositif a été complété par un article sur le site paroledemamans.com afin de sensibiliser plus directement les parents : il rappelle ainsi les risques d’accidents domestiques pour les enfants et les bons réflexes à avoir à la maison pour passer un confinement le plus sécurisé possible.

Des marques engagées pour remercier les professionnels en première ligne de la crise sanitaire

D’autres marques se sont attachés à remercier les personnels soignants et tous les autres acteurs essentiels en cette période de crise sanitaire inédite. C’est le cas de Dove qui, avec sa campagne « Courage is beautiful », a dévoilé des portraits de soignants à la peau du visage abimée par le port quotidien du masque. De même, Intermarché, avec sa campagne « Merci à tous les héros discrets », a rendu hommage aux professions qui ont été en première ligne lors de la pandémie. 

C’est dans cette optique que l’agence Entre Nous Soit Dit a mis en place une campagne pour la MGP, la mutuelle des forces de sécurité, en soutien aux forces de sécurité qui ont pris part au combat contre la Covid-19.

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Des marques engagées qui agissent auprès des citoyens

D’autres marques ont agi concrètement. Certaines ont proposé leurs services ou produits gratuitement pour aider les soignants tandis que d’autres ont mis en place des pourboires virtuels ou des appels aux dons afin de soutenir les acteurs économiques touchés de plein fouet par la crise sanitaire.

C’est le cas notamment de LVMH, qui a produit dans ses usines du gel hydroalcoolique à l’usage des autorités sanitaires françaises ou de Décathlon qui a fabriqué des appareils respiratoires à partir de ses masques de plongée.

Des marques rebelles jouant sur le manque de confiance des consommateurs envers les institutions

En informant leurs clients de la fermeture des rayons « non-essentiels » de leur commerce, certains distributeurs ont également exprimé leur sentiment d’aberration.

C’est le cas par exemple de Monoprix, qui a opté dans ses magasins pour une campagne d’affichage ironique signée DDBParis. Parmi les affichages les plus marquants « Les vêtements pour enfants jusqu’à 3 ans sont à nouveau essentiels. Les autres sont priés d’arrêter de grandir » et « Si les biberons n’étaient pas nécessaires, il fallait nous avertir de ne pas faire de bébés pendant le premier confinement. ». Très humoristiques, ces affiches ont été largement photographiées et partagées sur les réseaux sociaux.

Aujourd’hui, nous pouvons considérer que ces messages étaient l’illustration d’opinions françaises et très représentatifs des débats que l’on retrouvait alors sur la toile ou sur les plateaux télé. Par leur intermédiaire, la marque se positionnait pour la première fois en France dans un débat politique. Du jamais-vu dans l’Hexagone.

Conclusion :

La communication de prévention a accéléré la transition digitale et environnementale des acteurs privés et publics. Au-delà de ces évidences, la pandémie a poussé les acteurs privés et publics à s’interroger sur leur véritable raison d’être et sur leur mission et à faire du collectif une priorité.